Au temps d'avant ils ne faisaient pas toujours dans la dentelle, mais du coeur à l'ouvrage, à la gueulante, à la chaleur du groupe, ils en avaient. Des hommes, de vrais hommes du peuple. Ceux qui gravitent en ce milieu ne sont plus ces rudes marginaux, cependant l'esprit docker reste leur fierté. Cette profession ne permettait pas la fragilité : être robuste, quelque peu sauvage dans les rapports pour exister. Le modernisme refonde leur situation. La manutention devient mécanique. Leurs bras restent figés. Portde n'échappe pas à ce schéma... Un tressaillement se fait, à entendre dire les dockers qui restent : le TRAFIC DES CONTENEURS EST PROGRESSIF ! Espoir... Espoir enfin ?


Sur les rives de la Penfeld les forçats se mêlaient aux débardeurs autour de petites unités. les marchandises remuées à la pelle ou manuellement : brai, planches, fer, chanvre, vin en barriques, vivres pour la cité. La guerre d'indépendance de l'Amérique stimula le troc : munitions, nourriture vers nos troupes contre tabac, sucre, café en Ponant. Sur les nouveaux quais "Napoléon" leurs manutentions furent agrémentées d'un plus avec les navires à passagers (vapeurs puis moteurs). Le Havre grapilla cette manne. Le trafic est en dent de scie, les ouvriers sont moroses. Une parenthèse : les conflits donnent l'occasion de saisir les moyens des USA. Exemple, en 1915 : 400 000 tonnes de matériel, 50 000 chevaux. Le port d'avant guerre 1913-1914 = 104 000 t, 1918 = 718 000 t. Sans commentaire. 1940-1945 est du même tonneau, plus les ruines. Je laisse aux historiens ces années ; ils savent mieux que moi.


1937 à 1965 les gars sont soudés pour effectuer un âpre "TAF" à bord des navires, à terre (est-ce l'époque des chevaliers de Porstrein ?). Ils ont dans leur territoire une prépondérance quasi incontournable. Les armateurs viennent pour : houille, produits pétroliers, bois, farine, ciment, sable, chiffons, chaux, phosphate, nitrate, charbon, fraises de Plougastel, primeurs, pommes de terre, goudron, paille, pavés, fûts vides, blé, choux fleur, câbles, pyrite, gravillons, huile, clinkers, sel, soufre, agrumes du Maroc (1948), coton, son en sacs, ferraille, etc... Les patrons (2) ont leurs équipes. Celles-ci doivent accepter le travail proposé par leur employeur avant de compléter celles du concurrent. Ce processus disparaît en 1966/69: le BCMO (bureau central de manutention) gère, les dockers recrutent ! Contrôleur d'embauche, contremaîtres, chefs d'équipes font les listes. Les cartes "P" sont par groupe de dix. Il y en a 6 : 2/4/1 + 3/5/6. Celà définit la priorité par la tournante. Ces hommes DECRETENT leur poste, sinon l'âge et le tirage au sort font loi. Les "O" prennent la suite, à la dégaine ou au tour de rôle, s'il reste des places. Un peu de favoritisme ensuite sur les complémentaires saisonniers, mais une bonne vision du travail. L'accès à la carte "O" puis à la "P" suit une règle : le père, les fils, les petits fils. Protéger la lignée afin d'assurer sa sécurité financière. La loi de 1947 avait institué une légimité inviolable en droit du professionnel dans les enceintes portuaires. 1992 lui sera, pourtant, fatale.


ALLONS EN 1974 : 5 h... Le hall d'embauche s'éclaire, un chiffon efface la veille, une craie marque l'aujourd'hui. Les dockers se pressent autour du tableau. Je vais commenter l'extraordinaire organisation du travail sur le gaff... Suite par ici

Recherche terminée le 15 avril 2007. Réalisé par Yves Dornic. Photos : auteurs/éditeurs en archives départementales et YD. Sons musicaux de Manu, un bon copain de la compagnie Amoros. Merci à eux.